A
bien écouter les médias traditionnels et à lire la plupart des textes sur les
réseaux sociaux, il semblerait que les sondages d’opinions sont devenus, en une
journée (entre le 8 et le 9 novembre 2016), une méthode scientifique désuète et
dépourvue de toute sa splendeur d’antan. Beaucoup des analystes affirment, à
tort ou à raison, que Donald Trump a fait mentir les 300 sondages d’opinions qui
ont tous donné Hilary Clinton gagnante des élections américaines.
Ce
n’est pas la première fois que les résultats des sondages électoraux diffèrent
des résultats des votes. C’était aussi le cas pour le Brexit (référendum consultatif
réalisé en Grande Bretagne sur la sortie dans l’Union Européenne). Alors,
comment expliquer cette différence entre les résultats des sondages et la
réalité ? Les sondages seraient-ils devenus réellement désuets dans la
compréhension de la réalité électorale mondiale ?
Ce
présent article est une analyse des différentes limites des sondages d’opinions
expliquant le pourquoi de ces différences entre les résultats et proposant des
pistes de solution.
Sondage
et sondage d’opinion
Tout
d’abord, c’est quoi un sondage ?
Le
sondage est considéré comme une méthode statistique ayant pour but de mesurer des proportions
d’une ou de différentes caractéristiques d'une population à partir de l'étude
d'un échantillon de celle-ci (seulement une partie de la population). Ici, on
entend par population l’ensemble des éléments sur lesquels les caractéristiques
seront mesurées.
En marketing et dans les élections, le sondage d’opinion
constitue une application des techniques de sondages à une population humaine
afin de déterminer les préférences des individus de cette population en
étudiant un échantillon de cette dernière.
Les limites
inhérentes à tout sondage d’opinions
Les
sondages d’opinions constituent une méthode scientifique très utilisée par
beaucoup d’organismes et d’institutions. Cette méthode leur fournit beaucoup de
solutions à des problèmes dont ils faisaient face comme comprendre les désirs
des consommateurs en Marketing ou comprendre les intentions de vote des
potentiels électeurs dans le cadre de la réalisation d’une élection.
Aussi
utiles que puisse être un sondage d’opinion, il regorge de limites qui méritent
d’être pris en compte dans leurs analyses. Les limites qui sont inhérentes à
tous les sondages d’opinions sont :
1- Echantillonnage, niveau de confiance et
marge d’erreur
Le
sondage utilise un échantillon (une partie) de la population cible pour mesurer
les opinions ou préférences de cette partie. Les opinions mesurées sont alors
extrapolées à toute la population sous certaines conditions. Ces conditions
sont celles qui ont été prises en compte dans le calcul de l’échantillon à
interviewer.
L’une
de ces conditions est le niveau de confiance choisi. Etant réalisé sur
seulement une partie de la population, il ne sera pas possible de savoir avec
une confiance de 100% si les opinions mesurées correspondent aux opinions de la
population. Le niveau de confiance est cet élément qui permet d’inclure dans le
sondage la probabilité de se tromper dans le choix de l’échantillon.
La
plupart des sondages utilisent un niveau de confiance de 95% donc un risque de
se tromper de 5%. Ce qui signifie qu’en faisant le choix aléatoire de
l’échantillon, en moyenne 5 fois sur 100 (en supposant que 100 échantillons aléatoires
ont été tirés), les opinions mesurées peuvent ne pas correspondre aux opinions
de la population. Quand l’échantillon est bien choisi c'est-à-dire que les
opinions mesurées correspondent aux opinions de la population, il est dit
représentatif de la population. Dans le cas contraire, il n’est pas
représentatif.
La
marge d’erreur est un autre paramètre qui est utilisé dans le calcul de l’échantillon.
Et cette marge d’erreur permet de construire des intervalles dans lesquelles
devraient se trouver le vrai pourcentage des opinions de la population si
l’échantillon est représentatif. Il est donc primordial d’utiliser les
intervalles de confiance dans l’analyse des opinions car ils permettent de
cerner dans quelle fourchette devrait se trouver le pourcentage réel des
opinions.
Par
exemple, pour un sondage électoral avec une marge d’erreur de 3% où le candidat
X a obtenu 46% des intentions de vote et le candidat Y 44.5%. Les intentions de
votes réels de la population devraient se situer entre 43% et 49% pour le
candidat X et entre 41.5% et 47.5% pour le candidat Y si l’échantillon est
représentatif. Dans un cas pareil, il ne serait nullement étonnant que le
candidat Y obtienne plus de voix que le candidat X car les vraies intentions de
vote peuvent être de 44% pour le candidat X et 45% pour le candidat Y (compris
dans les intervalles de confiance).
Donc
l’analyse des pourcentages (estimation ponctuelle) uniquement n’est pas complète
et ne permet pas toujours de savoir avec exactitude qui a réellement plus
d’intentions de votes (surtout quand l’écart entre les candidats n’est pas
grand).
2- Hypothèse de vérité
L’un
des fondements des sondages d’opinions résident dans le modèle béhavioriste
supposant que les individus de l’échantillon qui seront interviewés vous diront
la vérité sur leurs opinions. Or, il est tout à fait possible que, pour des
raisons inconnues, certains des interviewés ne vous révèlent pas leurs réelles
opinions ou que les opinions révélées lors d’un sondage changent en fonction
des informations reçues par l’individu après l’interview. Il est même possible que
choisir entre deux ou plusieurs candidats ne tient qu’à un fil pour l’interviewé.
Dans
un cas pareil, la mesure des opinions de l’échantillon peut ne pas refléter les
opinions de la population au moment des votes.
3- Temps de validité
Les
enquêtes d’opinions présentent les résultats des opinions collectées sur
l’échantillon pendant la période de collecte. C’est donc une photo ou un
instantané des opinions des interviewés pour une période spécifique. Les
sondages sont donc valides uniquement pour la période de collecte des
informations.
Beaucoup
de facteurs peuvent modifier les opinions et les préférences des interviewés
entre la période de réalisation d’un sondage électoral et les élections. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les
candidats intelligents utilisent les résultats des sondages électoraux pour mieux
comprendre leurs forces et leurs faiblesses et essayer de se renforcer dans les
lieux où ils sont faibles.
Dans
une pareille dynamique, il n’est pas étonnant de voir des candidats faire
mentir les sondages. Car, premièrement, les sondages réalisés avant les élections
n’ont aucune validité le jour des élections en raison du caractère changeant
des opinions des humains ; et deuxièmement, les résultats sont utilisés
pour modifier les opinions des individus de la population.
Vers
des résultats plus précis
Les
limites inhérentes aux sondages et le caractère changeant des opinions des
humains rendent plus difficiles la compréhension des préférences de la
population. De ce fait, des études statistiques plus approfondies méritent
d’être réalisées en utilisant des méthodes quantitatives et qualitatives afin
de mieux cerner les préférences de la population cible.
Il
ne faut pas cesser d’utiliser les techniques de sondages dans la compréhension
des opinions comme dans le cas des sondages électoraux. Par contre, il faut
analyser les résultats en fonction de la marge d’erreur utilisée dans le cadre
du calcul des échantillons et il faut relativiser les résultats sachant que les
opinions et préférences des individus sont changeantes.
Notez
bien qu’un sondage électoral ne dit pas quel sera le résultat des
élections ! Au contraire, il renseigne sur les intentions de vote des
électeurs à un moment précis et sert d’outil d’aide à la décision stratégique
en vue de changer les opinions.
Les
sondages d’opinions ne tombent pas en désuétude. C’est la compréhension et les
attentes du monde des résultats des sondages qui doivent évoluer !!!
Auteur : Pierre Philippe Wilson REGISTE
Contact : pentagoneconsultinggroup@gmail.com